Hommage par Vincent de Gaulejac – Paris, 24 mars 2023
Le 21 janvier 2023 s’est éteint Igor Masalkov.
J’ai rencontré Igor à Moscou au printemps 1992 lors d’une conférence « Sciences sociales et psychanalyse ». J’ai tout de suite été fasciné par son courage, son amour pour la France et le français, sa motivation pour établir des ponts entre nous. Il venait nous retrouver aux rencontres de Spetses en Grèce et aimait par dessus tout venir à Paris pour la fête de la musique. Lorsque je lui demandais ce qui avait le plus changé pour lui avec la pérestroïka il m’avait répondu : « La liberté ». Je me souviens également de son bonheur lorsqu’il est venu pour un de nos colloques au Brésil. Il avait acheté un panama et un pantalon blanc. Nous cheminions tous les deux le long de Copacabana. Il me racontait qu’il réalisait là un rêve de gosse à propos de l’histoire d’un aventurier, habillé de cette façon, qui se promenait en chantant à Rio de Janeiro…
Il avait traduit en Russe le livre d’Anne Ancelin-Schützenberger, Aïe mes aïeux, et le mien, l’Histoire en héritage. Nous avons co-animé plusieurs groupes d’implication et de recherche à Moscou. C’est grâce à lui que j’ai reçu le prix Sorokin délivré par l’Association Russe de Sociologie et l’Université de Lomonosov où il était professeur.
Le 26 février 2022, il m’avait invité à donner une conférence à l’Université de Moscou ; Vladimir Poutine venait d’ordonner à ses troupes d’envahir l’Ukraine. Il m’avait encouragé à maintenir mon intervention et à parler de la situation : « Nous sommes tous contre la guerre et nous avons besoin d’oxygène » .
Cette dernière année, nous avions des entretiens réguliers au téléphone. Il me décrivait la chape de plomb qui se rabattait sur la Russie, une répression encore plus forte que celle qui existait avant la chute de l’URSS.
Je vous joins la lettre qu’il nous avait envoyée pour notre colloque de juin 2022.
Lors de notre dernier entretien, vers la mi janvier, il m’informait qu’il était à l’hôpital pour se faire opérer. Il avait l’air de dire que ce n’était pas grave. Je n’ai pas eu plus d’information. Depuis ce dernier entretien, son téléphone ne répondait plus.
Ma tristesse est infinie.
Hommage par Teresa Carreteiro – 01 avril 2023
Mon cher Igor
C’est avec une grande tristesse que j’ai appris que tu n’étais plus parmi nous.
Depuis toutes ces années qu’on se connait au sein du Groupe de Sociologie Clinique nous avons vécu beaucoup d’expériences!
Je me souviens de ta satisfaction d’aller au Brésil dans un Colloque que Vanessa A. Barros, José Newton Araújo et moi-même avions organisé. Les organisateurs à l’ Université Fédérale de Minas Gerais, à un moment donné, craignaient de pas avoir de subvention pour assurer ton voyage. Ta déception a été tellement grande, que les professeurs, désolés, ont pensé à prendre en charge eux-mêmes, à titre privé, les coûts de ta venue.
Dernièrement, à chaque fois que je t’écoutais en visio aux Colloques du RISC, je peux te dire que je pensais que tu courais beaucoup de risques. Tu as pris une position très courageuse dans ta critique du régime russe.
Cher Igor, je suis triste d’apprendre ton décès et encore de ne pas pouvoir savoir dans quelles conditions il a eu lieu, si tu était accompagné, seul et si tu as souffert.
C’est comme si tu avais disparu, sans mourir.
Sache que je penses fort à toi.
Teresa Carreteiro
Messages de condoléances
Abrazo colectivo! Que descanse en paz Igor. – Maria Cristina Fuentes
Igor, c’était pour nous tous un collègue, un ami, un grand combatant de la Sociologie Clinique. Salud compañero!!! – Ana María Araujo
I am so very, very sorry to receive this news. What a loss! I really appreciated Vincent’s words of remembrance. – Jan Fritz